Sur-Mesure** par Thierry Marx
Le Chef
Atypique, médiatique, charismatique, attachant... voici quelques uns des qualificatifs employés régulièrement pour parler de Thierry Marx, chef emblématique connu du grand public pour sa participation en tant que juré de l'émission Top Chef (M6), mais qui est surtout depuis 2010 à la tête de la restauration du Mandarin Oriental Paris après un parcours aussi talentueux que singulier. Originaire du quartier de Ménilmontant à Paris, Thierry Marx est issu d'un milieu modeste. A force de déambuler devant la boulangerie de Bernard Ganachaud, créateur de la flûte Gana, il s'imagine un destin de boulanger et rejoint à la fin des années 70 les Compagnons du Devoir où il obtient des CAP de pâtissier, chocolatier et glacier avant de s'engager dans l'armée à sa majorité. Parachutiste dans l'infanterie de marine, il rejoint les Casques Bleus durant la guerre du Liban. De retour en France, il enchaîne les petits boulots avant de décider de revenir en cuisine.
Thierry Marx (photo : Mandarin Oriental)
Commis dans d'illustres maisons comme Ledoyen, Taillevent ou Robuchon, il prend alors son baluchon pour parcourir le monde (Sydney, Singapour, Honk Kong, Tokyo...) et prend du galon en devenant notamment chef cuisinier du Regency Hôtel de Sydney. De retour en France, il obtient en 1988 sa 1ère étoile avec le restaurant Roc en Val avant de prendre la direction des cuisines de l'Hôtel Le Cheval Blanc, qui lui permet d'obtenir en 1991 un nouveau macaron Michelin. A partir de 1996, on le retrouve dans la région bordelaise en tant que Chef du Château Cordeillan-Bages. 1ère étoile en 1996 suivi d'une seconde en 1999, mais la 3ème se refuse à lui malgré sa désignation de Chef de l'année 2006 par le magazine Le Chef.
Devenu juré pour Top Chef en 2010, sa notoriété explose. Il se voit confier en avril de la même année l'ensemble de la restauration du tout nouveau palace parisien, le Mandarin Oriental Paris, qui comprend notamment le restaurant Sur-Mesure by Thierry Marx (distingué par 2 étoiles en 2012), le Camélia, un espace dédié à la pâtisserie et le Bar 8 pour les cocktails et en-cas. Adepte de la street food, qu'il s'emploie à valoriser comme un substitut à la malbouffe, Thierry Marx est également un chef engagé comme le prouve les nombreuses actions qu'il initie aussi bien dans le milieu carcéral que dans son quartier de Ménilmontant, avec la création d'une formation gratuite aux métiers de la restauration pour les jeunes sans diplôme et les personnes en réinsertion ou en reconversion professionnelle. Dans son aventure au Mandarin Oriental, il est notamment accompagné par David Biraud, meilleur sommelier de France en 2002 et MOF 2004 qui l'a rejoint en 2011 comme chef sommelier et directeur de restauration.
Le cadre
La table gastronomique de Thierry Marx s'est installée au rez-de-chaussée du luxueux hôtel Mandarin Oriental, dans un écrin feutré conçu par l’agence de design Jouin-Manku.
Tout de blanc vêtu, avec des murs et un plafond habillés de tissus drapés, Sur-Mesure présente des tables élégamment dressées autour d'un puit de lumière abritant une structure aérienne elliptique créée par la société Enzyme, ainsi que des banquettes et fauteuils en cuir blanc. L'ensemble - que certains peuvent trouver aseptisé voire froid - a été conçu pour véhiculer une sensation de flottement et de zénitude. Le design des lieux me rappellent aussi bien La Dame de Pic (Anne-Sophie Pic), pour ses murs immaculés avec ses éléments en relief, que les tables à Las Vegas d'Alain Ducasse (MIX), pour les espaces en forme de cocons, ou encore Twist de Pierre Gagnaire (situé lui aussi au sein d'un hôtel Mandarin Oriental).
L'accueil & le service
Un accueil et un service pointus, sans aucune condescendance. On est dans un palace et on le ressent. Tout est très professionnel avec un bataillon de serveurs disponibles et à l'écoute qui s'efforcent de proposer, présenter et expliquer avec simplicité, discrétion et sérieux les plats proposés par le chef.
La cuisine
Thierry Marx propose une cuisine innovante axée autour de la cuisine française, qui ne se retranche pas pour autant dans ses fondements en laissant aussi s'exprimer les influences, notamment asiatiques, qui ont façonné son parcours. Il laisse parler son incroyable maîtrise technique. Tout est juste et hyper pointu : les cuissons, les assaisonnements, les jeux de textures, les associations de saveurs... le tout autour d'une sélection des meilleurs produits de saison.
Au menu
Pour déjeuner, vous pourrez choisir parmi les formules "sur mesure" allant de 4 à 8 plats : 65€ (entrée, 2 plats et un dessert), 80€ (entrée, 3 plats et un dessert), 95€ (entrée, 4 plats et un dessert), 110€ (entrée, 5 plats et un dessert) et 125€ (entrée, 6 plats et un dessert). Le soir, deux menus dégustation sont proposés : 6 plats (175€) ou 9 plats (205 €). La carte des vins est évidemment à la hauteur du lieu avec une sélection de flacons haut de gamme à des prix "palace" ! Quelques références sont proposées au verre (entre 10€ et 30€).
Retour sur un déjeuner en photos...
J'ai fait le choix du menu à 65€ avec :
Une mise en bouche avec une gaufre à la truffe noire, de petites gougères au parmesan et à la tomate, et une tuile à l'algue nori.
"Racines structure & déstructure" composé de 3 préparations aux influences principalement asiatiques avec :
Maquereau, radis et citron caviar : un poisson cru, bien goûtu, qui s'éveille avec l'explosion en bouche des petites billes de citron caviar, et leur acidulé, sans oublier les notes terreuses du radis.
Radis Daikon confit, caviar et shiso. Iodé, sucré avec de petites notes qui rappellent les épices indiennes !
Crabe royal et navet boule d'or. Du goût avec là encore un subtil sucré du navet mariné alors que la chaire du crabe et ferme et douce.
Asperges blanches et oranges maltaises. L'orange maltaise (semi-sanguine) se décline en deux façons : une crème onctueuse au goût de lemon curd et une petite sauce acidulée, qui fonctionnent bien avec la petite amertume des asperges bien fermes.
Pomme de terre croustillante, brandade de cabillaud et herbes potagères. La pomme de terre prend une forme originale, à la manière d'un kouign amann. Elle est super fondante et savoureuse (même si un peu grasse) alors que la brandade est plutôt douce en goût, contrairement à ce que l'on peut attendre d'une brandade !
Pièce de thon grillée "shichimi" et asperges. Un thon cuit à la perfection et préparé avec une huile du Japon et du shichimi, un mélange de 7 épices japonais. Les asperges panées sont bien fermes. Elles sont accompagnées par une crème et une tuile au parmesan.
Canette caramélisée, croustillant au cassis et pois cassés. La canette est sublime. Elle impose son savoureux goût de gibier qui s'allie à merveille avec l'acidulé de la gelée de cassis, même si je dois avouer que je m'attendais à un goût de cassis plus marqué ! Le jus corsé fait le lien avec le pois cassés traité en 3 façons : une poudre plutôt amère qui tapisse une moitié d'assiette, une purée onctueuse et un pavé façon falafel avec le pois cassé travaillé avec du vinaigre vierge et le jus de cuisson. Un version modernisée d'un plat rustique qui fait mouche !
A la manière du "Grand Dessert Pierre Gagnaire", Thierry Marx propose une compilation de desserts baptisée "Sweet bento & fraîcheur coco" autour de 5 préparations sucrées.
Coco, citron vert et loukoum au citron. Mousse et crème glacée coco avec une gelée de citron, des zests de citron vert et un petit loukoum avec une texture molle et granuleuse si particulière. Une belle fraîcheur !
Palet pistache, chantilly à la vanille et fraises. La crème pistache délivre des notes grillées bien présentes. La fraise et la chantilly apportent rondeur et fraîcheur pour un dessert classique dans l'association des saveurs mais parfaitement maîtrisé.
Fondant chocolat, biscuit chocolat, chantilly et gelée au café, confit d'orange. Des saveurs puissantes et un jeu de textures complet avec l'amertume du café (en chantilly, en crème et en gelée), la douceur du chocolat (en fondant et en biscuit) et l'acide et le fruité du confit d'orange qui apporte aussi de la fraîcheur.
Une série de 3 choux avec comme base un demi chou accompagné de caramel au beurre salé (coulis, crème et gelée) pour l'un, d'une fine plaque de chocolat noir surmontée d'une crème au citron pour l'autre et pour le dernier, d'une mousse au chocolat qui renferme un coulis de framboise.
Pressé de pain d'épices aux pommes, chantilly à la vanille et crème mascarpone. Un joli dessert parfumé avec une nouvelle fois un beau jeu de textures.
J'ai aimé
- Une cuisine d'auteur qui fusionne tradition et modernité et qui reste ouverte sur le monde. La maîtrise et la justesse des cuissons, textures, assaisonnements, et bien sûr l'équilibre des saveurs.
- Un tarif somme toute plutôt correct pour déjeuner et découvrir la belle cuisine d'un des personnages de la cuisine française.
- Un cadre et une ambiance zen et un service affûté.
J'ai moins aimé
- Si le voyage de tous les sens est bien présent, on a parfois l'impression que la maîtrise technique sans faille prend le pas sur l'émotion, que je retrouve personnellement dans des cuisines plus instinctives. Mais je chipote !
- Je trouve qu'il y a un déséquilibre entre le salé et le sucré, très présent avec 5 préparations. Bon, c'est sûr que si j'avais pris les formules avec 6, 7 ou 8 plats, le déséquilibre aurait été moins marqué !
Infos pratiques
Sur Mesure par Thierry Marx (Hôtel Mandarin Oriental)
251 Rue Saint Honoré - 75001 Paris
Tel : 01 70 98 78 88
http://www.mandarinoriental.fr/paris/fine-dining/sur-mesure-par-thierry-marx/
ouvert tous les jours de 12h à 14h et de 19h30 à 21h30 (sauf dimanche et lundi)
Accès : stations de métro Concorde (1, 8 et 12) ou Tuileries (1)