Le Cirque*, un mythe de la restauration américaine à Las Vegas
Dans l'univers de la restauration, il existe des tables qui ont su traverser le temps et les modes avec plus ou moins d'encombres pour devenir de véritables institutions. Si en France, certains de ces restaurants mythiques ont un passé séculaire comme le Grand Véfour, le Procope ou encore la Tour d'Argent, d'autres pays comme les Etats-Unis disposent d'adresses plus "jeunes" qui ont su malgré tout s'imposer au fil des dernières décennies comme des références, pas toujours d'ailleurs pour des considérations uniquement gastronomiques.
A New York, le restaurant Le Cirque de l'italo-américain Sirio Maccioni fait partie de cette caste. Parrain auto-proclamé de la restauration new yorkaise, cet italien - qui n'aurait pas fait tâche dans les productions de Scorcese ou Coppola - a débarqué aux Etats-Unis dans les années 60 pour s'imposer comme l'un des restaurateurs les plus influents des Etats-Unis.
Sirio Maccioni (avec la canne) entouré d'Alain Ducasse (à gauche), Jean-Georges Vongerichten et Daniel Boulud (à droite) - photo : Robin Marchant/Getty Images North America
Ouvert en 1974 au sein du Mayfair Hotel à New York, Le Cirque était l'adresse où il fallait être vu jusqu'au début des années 90 avec une clientèle d'habitués élitiste comme H.Kissinger, D.Trump, R.De Niro, W.Allen et tout le gotha de la politique et du spectacle américain. Après deux déménagements successifs (Palace Hotel suivi par la Tour Bloomberg), et un passage à vide durant les années 90, les deux fils de Sirio Maccioni ont su s'imposer (non sans difficultés) pour impulser un nouveau souffle à l'empire gastronomique familial (qui dispose d'autres adresses aux Etats-Unis et dans le monde) en adaptant le concept du Cirque et de ses déclinaisons (notamment Circo, brasserie italienne). Cette évolution s'est notamment concrétisée en 1998 avec l'ouverture d'une adresse Le Cirque à Las Vegas, au sein du magnifique hôtel Bellagio, que j'ai eu le plaisir de découvrir lors d'une virée récente dans la ville du péché. A noter que contrairement à la table historique new yorkaise, l'adresse de Las Vegas a été récompensée par une étoile Michelin, le AAA Five Diamond Award et 4 étoiles (sur 5) par le magazine Forbes.
Le Chef
Si l'adresse historique new yorkaise a vu passer de prestigieux chefs comme le français Daniel Boulud (1986 à 1992), les cuisines de la table de Las Vegas sont depuis septembre 2014 sous la responsabilité du jeune chef français Wilfried Bergerhausen, formé à l'école Lenôtre avant de passer par l'Oasis (Mandelieu la Napoule), l'Atelier Robuchon et jusqu'à il y a quelques semaines la table de Michael Mina (Bellagio) à Las Vegas.
Le cadre
Situé au milieu du strip (la célèbre avenue de Las Vegas), le Bellagio accueille Le Cirque au rez-de-chaussée, au niveau de la gigantesque salle de casino.
La salle est assez petite avec une quarantaine de couverts qui se déploient autour d'un décor basé sur l'univers du cirque, conçu par l'architecte d'intérieur américain Adam D. Tihany. Le lieu assez fantaisiste est élégant avec ses couleurs vives et ses dessins représentant des personnages emblématiques du cirque qui tapissent les murs sans oublier les tentures très colorées au plafond qui rappelent un chapiteau. Si vous avez la chance d'obtenir une table à proximité des fenêtres, vous pourrez profiter du superbe spectacle des fontaines du Bellagio, dont les jets d'eau jaillissent à plusieurs dizaines de mètres dans de magnifiques chorégraphies.
L'accueil & le service
A l'américaine, c'est-à-dire très pro ! Le service est très attentionné même si on peut noter quelques imprécisions notamment dans le service des liquides, fait un peu à la va-vite. A noter que le chef de salle et le sommelier parlent très bien le français, ce qui n'est pas négligeable pour ceux qui ne maîtriseraient pas la langue de Shakespeare, et souhaiteraient comprendre les différentes compositions à disposition !
La cuisine
Historiquement, Le Cirque propose une cuisine française classique qui, sous la coupe de Wilfried Bergerhausen, prend une tournure contemporaine, empreinte de quelques influences américaines. Il s'agit d'une cuisine pleine de justesse, tant dans la qualité des produits, la maîtrise des cuissons que dans l'équilibre et l'expression des saveurs. Le seul petit bémol est peut-être sur les jeux de textures qui sont assez irréguliers selon les plats (et si l'on considère que la multiplicité des textures dans un plat est un critère important). Si les dressages sont assez réussis, ils manquent sans doute d'un peu d'originalité. Vous trouverez les grands classiques de la cuisine française, de la sole meunière aux cuisses de grenouilles en passant par le foie gras, le navarin d'agneau ou encore les escargots.
Au menu
Vous pourrez choisir parmi plusieurs menus : un menu de saison (entrée/plat/dessert) à 98$ (+49$ pour l'association mets/vins), un menu "avant-théâtre" (entrée/plat/dessert) à 72$ (+30$ pour accompagner de vin) qui n'est disponible qu'entre 17h15 et 18h30, un menu végétarien à 115€, un menu dégustation (6 services) à 135$ et un menu "truffe" dont le prix varie selon les saisons (truffe blanche en 6 services à 395€). Concernant les vins, vous pourrez choisir parmi une courte offre de vin au verre et plus de 900 références à la bouteille dont une forte présence de vins français mais aussi italiens, espagnols, sud-américains et bien sur américains (notamment californiens avec Napa et Sonoma). Les tarifs sont à la hauteur de Las Vegas et de ces excès !
Retour en photos sur un dîner...
Salade "Le Cirque" au homard, avocat et vinaigrette à la truffe noire. Fraîcheur, légèreté et valse de saveurs tout en équilibre pour cette spécialité de la maison.
Salade d'automne de petits artichauts, avocat, foie gras, jambon ibérique, parmesan et vinaigrette à la moutarde de Dijon. Là encore une entrée en matière légère et savoureuse mais sans grande surprise.
Foie gras poêlé, pâte feuilletée, prune, lavande, pistache et gastrique au gingembre. Un excellent foie qui aurait cependant mérité d'être un peu mieux dénervé. L'association avec la prune et la gastrique apporte un agréable sucré/salé alors que la pâte feuillettée et les pistaches concassées donnent de la texture.
Loup de mer en croûte de pomme de terre, poireaux braisés et réduction de pinot noir. Si la croûte de pomme de terre peut paraître accessoire, elle est en fait super intéressante pour la texture et le goût. Le poisson, doux en bouche, prend du caractère avec la superbe sauce au vin et les poireaux subtilement sucrés.
Cuisses de grenouille de Floride sautées, gnocchis de pomme de terre, succotash, lardons, broccolini et mini mizuna. Un classique de la cuisine française avec des cuisses de grenouille bien charnues, légèrement grillées et savoureuses. Elles sont ici américanisée grâce au succotash, une préparation traditionnelle de Thanksgiving à base de haricots et de maïs. Les gnocchi sont moelleux alors que le broccolini (croisement entre le brocoli et le brocoli chinois) livre ses saveurs entre le brocoli et l'asperge et que les feuilles de mizuna apportent leurs notes poivrées.
Morue d'Atlantique en Croûte, ratatouille, olives de Kalamata, confit de tomate, perles de pomme de terre, petits poulpes et sauce vierge. Un plat d'inspiration méditerranéenne avec ses saveurs et parfums typiques. Simple mais réussi !
La Sole Meunière et pommes de terre à l'anglaise. On reste sur les grands classiques avec certainement la plus célèbre des spécialités de Haute-Normandie. La sole offre une jolie dorure qui la rend légèrement croustillante et en même temps moelleuse. A napper avec le beurre noisette citronné qui est servi séparement dans un saucier. Les pommes de terre à l'anglaise (tournées et bouillies) sont parfaitement fondantes et accompagnent simplement mais efficacement le poisson et sa sauce. Bien maîtrisé !
Navarin d'agneau printanier. Une côte d'agneau du Colorado en croûte au piment d'espelette, couscous, coulis de piquillos, mini courgettes, navets, tomates confites et sauce Navarin. Un nouveau classique de la cuisine française revisité avec une belle justesse à la mode orientale.
Poulet bio rôti aux asperges et chanterelles, pommes de terre et sauce au vin jaune. Toujours du classique avec une volaille moelleuse à souhait et des saveurs bien gourmandes !
Délice de framboise et crème mascarpone. Un milk shake à la framboise, avec une crème légère au mascarpone, versé sur une gelée de framboise et une fine couche de feuilletine. Accompagné d'un sorbet à la framboise. Des parfums, de la texture, de la légèreté et une douceur fruitée bien agréable.
Petite boule de chocolat, éclats de noisettes caramélisées, glace au chocolat blanc et sauce au chocolat. Cette spécialité du Cirque fait toujours son effet avec un coulis de chocolat chaud qui fait fondre la sphère en chocolat pour laisser apparaître la crème glacée au chocolat blanc et les noisettes caramélisées. Pas de grande surprise pour un dessert qui ravira tout de même les amateurs de chocolat.
Financier à la pistache, feuilletine craquante, crémeux au chocolat et sorbet framboise. Là encore peu de créativité mais des associations de saveurs qui fonctionnent toujours très bien !
Quelques mignardises pour finir...
J'ai aimé
- Découvrir un lieu mythique de la restauration américaine avec son ambiance et sa déco élégante.
- Une cuisine française de tradition, toute en maîtrise, autour de grands classiques de notre gastronomie.
J'ai moins aimé
- Une cuisine qui manque un peu d'audace.
- Un grand nombre de plats disponibles avec supplément.
Infos pratiques
Le Cirque
3600 S Las Vegas Blvd, Las Vegas, NV 89109, États-Unis
http://www.lecirque.com
Ouvert tous les jours sauf le lundi de 17h30 à 22h