Amandine Chaignot, l'excellence au féminin
Il y a quelques semaines, j’ai assisté à l’un des dîners exclusifs proposés par l’excellent Supper Club Table Ronde, avec comme maître de cérémonie le Chef du Senderens Jérôme Banctel. Table Ronde est bien plus qu'un simple restaurant, c'est surtout un lieu dédié à l'échange et au partage autour de la cuisine contemporaine, à travers l'organisation de dégustations et de dîners exclusifs qui cassent la barrière traditionnelle entre la salle et la cuisine. Pas de carte, pas de chef attitré et des ouvertures événementielles sont les caractéristiques principales de ce lieu sorti de l'imagination de Nicolas Chatenier, qui côtoie au quotidien les plus grands chefs avec son agence de conseil PeacefulChef (qui accompagne les chefs dans leurs stratégies marketing). Les principaux acteurs du lieu sont des producteurs ou des chefs invités mais aussi... les 16 gourmets chanceux qui peuvent le temps d'une soirée être en contact direct avec ceux qui mettent en émoi leurs papilles.
Amandine Chaignot à l'oeuvre avec son second Fabien Loyster
qui l'accompagne depuis 3 ans.
J’ai renouvelé l’expérience la semaine dernière avec comme tête d’affiche Amandine Chaignot, Chef de l’hôtel Raphaël (palace 5* de l'avenue Kleber dans le XVIème) depuis mars 2012, qui sera également jurée lors de la prochaine saison de Masterchef (TF1). Une équipe de TF1 était d'ailleurs présente lors du dîner pour suivre la Chef.
Amandine Chaignot lors du dressage de l'une des
entrées de la soirée : langoustine/tomates/herbes fleuries
Le parcours de cette jolie essonnienne de 34 ans est assez atypique. Elève brillante, elle ne restera qu'une année en fac de pharmacie avant de changer de voie. Elle s'inscrit à l'école Grégoire Ferrandi pour préparer un CAP de cuisine avec comme objectif l'ouverture d'un salon de thé. C'est lors de son apprentissage chez Mark Singer, à la Maison de l'Aubrac, qu'elle se découvre une vocation pour la cuisine. S'ensuit un parcours dans les plus prestigieux restaurants d'hôtels, auprès des plus grands Chefs : Alain Ducasse et Jean-François Piège (Plaza Athénée), Eric Fréchon (Bristol), Yannick Alléno (Meurice), Christopher Hache (Bristol et Crillon) sans oublier François Adamski (Prunier), qu'elle assiste lors de son Bocuse d'Or en 2001. C'est en mars 2012 qu'elle se voit confier la direction des cuisines du Raphaël où elle impose sa personnalité avec une cuisine bourgeoise contemporaine. Elle travaille des produits de qualité au rythme des saisons en adaptant notamment ses plats signature comme la quenelle qu’elle décline selon les saisons aux morilles, aux cèpes, aux écrevisses ou aux truffes.
Retour en photos sur un dîner d'exception...
Une mise en bouche pour débuter avec un sablé au parmesan, olive et cébette (à gauche) et une bouchée signature avec une version de l'oeuf mimosa par Amandine Chaignot (à droite). Un réjouissant retour vers les saveurs de notre enfance avec une crème de jaune d'oeuf prise entre deux feuilletés, une petite pointe de moutarde à l'ancienne et de petits cubes de blanc d'oeuf.
La 1ère entrée... Langoustine/tomates/herbes fleuries : une belle langoustine à la cuisson parfaitement maîtrisée, accompagnée de tomates ananas et coeur de boeuf, et surtout d'herbes et de fleurs (qu'Amandine Chaignot affectionne tout particulièrement, contrairement aux épices qu'elle utilise avec parcimonie) qui apportent de sublimes saveurs et de belles couleurs. On trouve notamment des fleurs de coriandre (fleurs blanches sur la photo ci-dessus) et du basilic Magic Blue (petites fleurs violettes), qui développe de puissants parfums et des saveurs anisées et citronnées. La fraicheur et l'harmonie des saveurs font de ce plat très élégant une belle réussite.
2ème entrée... Bulots/pomme de terre/avruga : une brunoise de légumes et de bulots, de fines tranches de pomme de terre fondantes surmontées d'avruga (perles de hareng fumé colorées à l'encre de seiche) et une cebette confite. Le côté iodé se fait subtil dans un plat presque paysan avec une pomme de terre goûtue et les notes entre le poireau et l'oignon de la cébette.
J'ai accompagné ces deux entrées d'un excellent Chablis Domaine de Bois d'Yver 2011.
1er plat... Encornet/petits pois/mousserons/radis : ma seule légère déception de la soirée ! Bon je dois bien avouer que l'encornet ne fait pas partie de mes grands kiffs culinaires mais contrairement aux autres plats qui offraient un enchantement de parfums et de saveurs, j'ai trouvé ce plat un peu fade tant dans les saveurs que dans l'assaisonnement. C'est d'autant plus surprenant que la Chef a salé et poivré généreusement sa préparation devant nos yeux ! Le jeu de texture est intéressant avec un encornet magnifiquement préparé, des petits pois bien fermes épluchés un à un, des mousserons fondants et de fines tranches de radis et radis noir qui apportent croquant et un peu de peps, mais cela manque pour moi d'assaisonnement ou d'un jeu de saveurs en jouant sur de l'acidité, de l'amertume voire du sucré.
2ème plat... Veau/anchois/aubergines/sauge : les médaillons de veau sont tendres et savoureux avec une jolie croûte de pain de mie. L'association du veau et de l'anchois est magnifique. Les câpres et les copeaux de parmesan apportent une jolie pointe d'acidité alors que le jus de veau bien corsé donne du caractère à cet excellent plat. Sans oublier l'aubergine confite et l'oignon rouge cru émincé qui se marient à merveille avec l'ensemble. Dans sa complexité, l'harmonie et l'explosion des saveurs, ce plat me rappelle la magnifique cuisine du Chef anversois Dave de Belder (De Godevaart).
J'ai accompagné ce superbe plat d'un Bourgueil Bonn'Heure 2011 du Domaine de la Chevalerie, fruité et gourmand.
Fromage... Saint-Marcellin/câpres de coquelicots : j'avais un peu peur de la puissance du Saint-Marcellin fondu, mais celui-ci s'adoucit avec le côté floral et légèrement acide des boutons de coquelicots cuits dans du vinaigre. Une bien agréable découverte !
1er dessert... Cerise/pistache : une sphère de chocolat blanc garnie d'un crémeux pistache et de cerises grossièrement hachées, accompagnée de cerises fraîches farcies d'une pistache entière. Un dessert graphique et gourmand qui m'a un peu dérouté ! J'adore la pistache et la cerise mais pour moi, la cerise est gustativement un bien intriguant ingrédient quand il n'est pas conservé brut. Je trouve que l'excellence de ses arômes perd de son intensité et de son intérêt quand elle est travaillée. L'harmonie des saveurs cerise/pistache/chocolat blanc est néanmoins intéressante.
La soirée s'est achevée avec un excellent chou Chocolat/praliné avec son craquelin au chocolat et sa crème praliné. On nous a également apporté un caramel aux fruits de la passion de chez Jacques Génin.
Mon avis : ça a été un vrai bonheur de participer à cette soirée pour découvrir l'univers et la personnalité d'Amandine Chaignot, qui s’installe à 34 ans comme l’avenir de la cuisine au féminin, dans la lignée d’illustres prédécesseures comme Anne-Sophie Pic, Ghislaine Arabian ou Hélène Darroze. Sa cuisine française contemporaine est subtile et raffinée, toute en légèreté. Amandine Chaignot, c'est un peu une main de fer dans un gant de velours. Talentueuse, souriante et disponible, elle dégage un charisme fou, fruit d'une douceur toute féminine couplée à une force tranquile et à une détermination que l'on imagine indispensable pour faire sa place parmi les grands chefs. Nul doute que son prochain passage dans Masterchef devrait séduire les quelques millions de téléspectateurs qui suivent l'émission et l'installer dans la sphère des chefs qui comptent. En espérant toutefois que cette médiatisation inéluctable ne la conduise pas dans les pas de chefs médiatiques qui au final passent beaucoup plus de temps à parcourir le monde pour des ouvertures de restaurants ou à écrire des livres, que derrière les fourneaux !
Table Ronde
58 rue de Saintonge - 75003 Paris
Programmation & réservation sur http://www.tableronde.com
Hôtel Raphaël
17 Avenue Kléber - 75116 Paris
Tel : 01 53 64 32 00
http://www.raphael-hotel.com
Vous pouvez suivre également toute l'actualité d'Amandine Chaignot sur son site web officiel.