David Toutain, star de la rentrée 2014
Le chef
Sans nul doute le chef qui fait le plus parler en ce début 2014 avec l’ouverture de son restaurant éponyme, David Toutain est l’un des chefs de file de cette jeune génération de chefs qui bousculent la cuisine française. Formé par de grands noms comme Bernard Loiseau, Alain Passard, Bernard Pacaud, Marc Veyrat ou encore l’espagnol Andoni Luis Aduriz et l’américain Paul Liebrandt, ce chef de 32 ans s’est surtout imposé sur la scène gastronomique entre 2011 et fin 2012 avec le conceptuel Agapé Substance où il avait pu exprimer tout son talent et son audace avant de décider à la surprise générale de faire un break.
David Toutain (photo : DavidToutain.com)
C'est donc après une année sabbatique à parcourir le monde (USA, Danemark, Australie, Japon, Belgique...) pour humer l'air du temps et s'enrichir de nouvelles expériences, que David Toutain a pris ses quartiers à Paris, rue Surcouf (VIIème) depuis le 23 décembre dernier. Dans cette nouvelle aventure, il est notamment accompagné par l'ex-chef de partie de l'Agapé Substance Kosuke Tada et par l'ancien sommelier de chez Senderens Alejandro Chavarro (champion du monde des Maîtres d'hôtel 2009).
Le cadre
Installé sur deux étages dans un espace lumineux, ce restaurant (qui propose une trentaine de couverts) offre une déco minimaliste, élégante mais assez froide, dans la veine des tables scandinaves, autour de matières brutes (bois blond, béton, verre, cuivre et cuir). Simple mais sophistiqué à l'image de la cuisine du chef ! Une attention toute particulière a été apportée à l'art de la table avec un grand nombre de jeux d'assiettes (superbes), mais aussi de magnifiques couverts.
L’accueil & le service
Convivial, très pro et efficace. On notera juste quelques tâtonnements dans le service mais l'on peut juger cela plutôt normal après seulement quelques semaines d'activité. Pour créer un lien avec ses clients, David Toutain n'hésite pas à sortir de sa cuisine pour faire le service et expliquer ses plats.
La cuisine
Alors que David Toutain avait fait sensation à L'Agapé Substance avec sa cuisine conceptuelle, inventive et hyper pointue, on le retrouve ici toujours dans le minimalisme et la créativité. Mais cette fois, plus dans la simplicité, avec une cuisine de produit (et de saison) résolument française, qui n'en est pas moins imprégnée de ses expériences à travers le monde. Il propose une cuisine d'auteur, technique, audacieuse et parfois déroutante qui fait la part belle au végétal, comme un hommage à l'un de ses mentors, Alain Passard. La carte des vins, orientée nature, propose des références françaises et étrangères à des prix assez élevés.
Au menu
Vous disposerez de 4 menus : un menu "Berce" (déjeuner uniquement avec entrée/plat/dessert pour 42€), un menu "Polypode" composé de 5 ou 6 plats (68€ / 118€ pour l'accord mets/vins), un menu "Reine des Prés" avec une dizaine de plats (98€ / 158€ pour l'accord mets/vins) et un menu de saison autour de la truffe avec également une dizaine de plats (158€ / 210€ pour l'accord mets/vins).
Le menu "Reine des Prés" en photos...
Quelques amuse-bouches pour commencer avec des carottes croquantes accompagnées d'une crème de panais émulsionnée au chocolat blanc. Douceur et belle rondeur pour une association de saveurs originale qui fonctionne très bien...
Egalement des chips de tourteau, avocat, banane. Original dans l'intitulé, se révèle assez quelconque en terme de goût !
Brioche fumée au foin, émulsion beurre noisette. Une petite friandise bien gourmande avec un joli moelleux de la brioche qui distille de subtiles notes fumées. L'émulsion de beurre noisette apporte un crémeux et une douceur très agréable.
Poudre d'algue, fenouil de mer, couteaux et coques. Un plat aux influences nipponnes, iodé et végétal, avec des saveurs assez particulières pour palais avertis. La dégustation de ce plat se poursuit avec...
... un consommé de couteaux et de coques, servi pour "nettoyer" l'assiette.
Huître pochée, yuzu et crème de kiwi. L'huître pochée se marie à merveille avec la fraîcheur et l'acidulé du yuzu et du kiwi (assez peu considéré en cuisine). Une bien belle création qui figure déjà comme l'un des plats signature du chef. 1ère belle surprise qui laisse un arrière goût de trop peu !
Gnocchis d'eau de parmesan, yuba et huile verte. Les gnocchis presque translucides offrent une texture légère et fondante. Les notes de parmesan se font discrètes (un peu trop à mon goût). Ils baignent dans un jus de yuba (lait de soja) et sont accompagnés d'oeufs de truite et d'une huile verte à base de mélisse et de verveine. Un plat japonisant qui laisse exprimer la technique et l'ouverture de David Toutain sur les saveurs du monde. Ca ne me laissera pas un souvenir impérissable même s'il faut souligner le savoir-faire et l'audace !
Oeuf poché, crème ail des ours et mélisse. On retrouve l'oeuf poché à basse température, star bistronomique des deux dernières années, qui est associé ici avec une crème d'ail des ours toute en finesse, relevée par la fraîcheur des notes de citronnelle de la mélisse.
Foie de lotte, jus d'herbes et pâte de citron. Un plat aigu, puissant en goût avec une subtile amertume qui se joue de l'acidité du citron.
Maquereau, gnocchi de pomme de terre, choux de Bruxelles et consommé de peaux de pomme de terre. Peut-être le plat le plus "classique" (avec l'agneau qui suit), mais efficace avec une maîtrise des cuissons, un jeu de textures variées et une touche "j'exploite le produit jusqu'au bout" avec le consommé d'épluchures de pommes de terre.
Effiloché de seiche, jus d'encre de seiche, jeune poireau et truffe noire. La seiche offre une superbe texture, tendre et ferme à la fois. Le poireau et les brisures de truffe apportent une touche végétale avec des saveurs et parfums qui équilibrent l'ensemble.
Gésier de canard, crème de foie gras, gastrique (réduction de vinaigre et sucre) et pommes. Le terroir à l'honneur avec des gésiers de canard fermes et goûtus, une crème de foie gras onctueuse qui impulse du caractère alors que les petits dés de pomme apportent une pointe de pep's et de fraîcheur.
Carré d'agneau, poire, blettes et crème de bleu. D'excellents produits pour un plat qui lorgne vers la cuisine bourgeoise avec une association de saveurs agneau/fruit/fromage devenue classique. Très bon mais qui ne me laissera pas non plus une empreinte indélébile !
Le dîner s'est poursuivi avec comme pré-dessert (que j'ai oublié de photographier!) une mousse chocolat blanc, vanille, chou fleur avec une quenelle de crème glacée à la noix de coco. L'association avec le chou fleur est bluffante même si ceux qui ne l'apprécient que modérément le trouveront sans doute trop présent.
Suite des desserts légumiers - qui s'installent aussi comme la signature du chef - avec un topinambour confit au pralin, chips d'épluchures de topinambour et glace au lait. Là encore on est bluffé par l'association de saveurs. Le topinambour est loin d'être un légume que j'apprécie avec ses notes d'artichaut, qui sont ici assez subtiles. A noter là encore le côté "j'exploite le produit à 100%" avec les chips d'épluchures qui apportent de la texture.
Clémentines, sponge cake, éclats de meringue et sorbet à l’orange sanguine et au campari. Une belle fraîcheur pour terminer avec des textures variées (sponge cake très aérien, croquant de la meringue...), des saveurs sucrées et acidulées.
J'ai aimé
- Le cadre élégant et lumineux en cohérence avec la cuisine
- L'audace, la créativité et la palette technique du chef
- Un rapport qualité-prix très correct avec une quinzaine de préparations (amuse-bouches et pré-dessert compris) pour une centaine d'euros.
J’ai moins aimé
- Il manque selon moi une ligne directrice plus claire (si ce n'est peut-être le végétal). Certains plats (assez classiques) se revendiquent clairement du terroir français alors que d'autres (plus audacieux) sont plus influencés par des cuisines du monde (notamment japonaises).
- L'absence de produits nobles (même si on peut évidemment comprendre que pour le prix on ne peut pas avoir que ça).
- Pour un même menu, certains plats n'offraient pas toujours les mêmes ingrédients (je pense notamment à la truffe présente sur un plat mais pas dans l'autre).
- Des desserts légumiers, certes originaux, mais qui confirment la disparition de la pâtisserie dans ce genre de restaurant.
- Une carte des vins plutôt chère.
Infos pratiques
Restaurant David Toutain
29 rue Surcouf - 75007 Paris
Tel : 01 45 50 11 10
Ouvert du lundi au vendredi de 12h à 14h30 et de 20h à 22h
http://www.davidtoutain.com
Transport : La Tour Maubourg (Métro 8) ou Invalides (Métro 8 ou RER C)
Réservation indispensable (comptez 2 mois d'attente)