Paul Pairet bistronomise Shanghai avec Mr & Ms Bund !
Installé depuis 9 ans à Shanghai, le Chef français Paul Pairet - qui a notamment fait ses classes à Paris (Mosaic), Istanbul (Ritz Carlton), en Indonésie ou à Hong-Kong - s'est imposé comme l'un des grands noms de la gastronomie de la capitale économique chinoise. Arrivé en 2005 pour prendre les rênes du restaurant "Jade on 36" de l'hôtel Pudong Shangri-La, il aura attendu avril 2009 pour se mettre à son compte en ouvrant "Mr & Ms Bund" sur le Bund de Shanghai, célèbre promenade aux nombreux immeubles de style Art déco qui fait face au quartier de Pudong et à ses buildings modernes. A noter que Paul Pairet a également ouvert à Shanghai, Ultraviolet, une table encensée par les critiques pour son côté expérimental, qui accueille 10 convives dans un lieu tenu secret et propose une cuisine de haut vol dans une ambiance multisensorielle (22 plats pour 300€/personne).
Situé dans un immeuble colonial des années 20, "Mr & Ms Bund" est un bistrot contemporain - qui a remplacé "Sens & Bund" des frères Pourcel - qui se veut un ambassadeur de la cuisine traditionnelle française, dans sa composante bistronomique à la fois chic, tendance et décontracté. Fréquenté par des expatriés et par la haute société shanghaienne, ce restaurant est devenu incontournable en Chine et en Asie depuis son apparition dans différents classements des meilleures tables du monde et d'Asie et notamment sa 43ème place (ce qui laisse tout de même dubitatif!) au très controversé classement des 50 meilleurs restaurants du monde du magazine britannique Restaurant (7ème du top 50 en Asie).
Le cadre est spacieux et trendy avec un design aux couleurs rouge et noir, lumière tamisée, grandes tables en bois, banquettes et fauteuils douillets sans oublier de petits salons privatifs et une terrasse avec vue sur la rivière Huangpu et le quartier de Pudong. L'ambiance est décontractée (et il faut l'avouer très bruyante) avec comble de l'exotisme à la française, un fond musical fait de Claude François, Dalida et autres Charles Trenet, à la limite caricatural pour les français que nous sommes mais qui semble faire son effet auprès d'une clientèle internationale et chinoise ! Au niveau du service, le bataillon de serveuses et serveurs formés au service à l'occidental est efficace et rapide malgré quelques hésitations.
Vue sur la cuisine à travers une vitre teintée dans le couloir menant aux toilettes
Concernant la cuisine, Paul Pairet - qui a confié la direction des fourneaux au Chef Raphaël Vetri - a souhaité proposer des plats qu'il aime manger au quotidien, aux saveurs simples et sophistiquées à la fois, et teintés pour certains plats d'influences asiatiques. Les produits travaillés sont d'excellente qualité et proviennent de fournisseurs sélectionnés avec rigueur en Chine, en Asie ou en Europe : jambon Bellota, anchois et huile d'olive en Espagne, des huîtres françaises et japonaises, des crevettes (Thaïlande), des St Jacques (Japon), des poissons de mer de Chine et Japon, des volailles d'éleveurs chinois triés sur le volet, du boeuf wagyu, du porc et de l'agneau originaires d'Australie...
La carte propose une sélection de plats de bistrot revisités (foie gras, citron et meringue au gingembre, salade de chèvre chaud, escargots, huîtres, cuisses de grenouille, pieds de porc...) ainsi que quelques spécialités du chef comme le "Black cod in the bag" (cabillaud cuit dans un sac avec une sauce cantonnaise), le travers de boeuf à la sauce teriyaki ou sa tarte au citron destructurée. Il faut compter entre 70 et 450 yuan pour une entrée (entre 8€ et 50€), entre 100 et 800 yuan le plat (entre 12€ et 95€) et entre 40 et 230 yuan le dessert (entre 5€ et 28€). Il vous en coûtera donc aux environs de 50€/personne (hors vin qui sont excessivement chers). La French Touch se paie souvent au prix fort en Asie !
Retour sur un dîner en photos...
Pour commencer un amuse bouche avec une mousse de thon très légère et goûteuse, servie dans une boite de conserve et accompagnée de longues dentelles de pain maison grillé. Simple dans le fond et plus original dans la forme avec un dressage à la fois sophistiqué et à la bonne franquette.
Le pain est fait maison avec des épis individuels mais aussi du pain aux olives. Le résultat est assez réussi avec du croustillant et une mie bien alvéolée.
Oeuf poché à la truffe (80 yuan/9,60€) : une association toujours gagnante de l'oeuf et de la truffe, même si les truffes sont ici chinoises, des montagnes du Yunnan (sud-ouest de la Chine). Elles sont plus fades que celles que l'on trouve en Europe (surtout la Melanosporum) et ont comme principal avantage de ne pas être chères (environ 25€/kg en France).
Cocktail de crevettes (125 yuan/15€) : de belles crevettes (9) avec une sauce cocktail qui recouvre des feuilles de salade romaine, des suprêmes de pomelo et quelques graines de coriandre. Sympa dans le dressage mais c'est franchement pas pratique à manger, dans ce grand verre, quand on aime comme moi que tout se mélange !
Poulet grillé béarnaise (au fond sur la photo - 160 yuan/19€), accompagné d'un gratin dauphinois au jambon serrano, truffe (toujours chinoise) et brie (110 yuan/13€). Le poulet est superbement cuit avec une peau fine et croustillante et une viande moelleuse et juteuse. Le jus légèrement corsé qui l'accompagne, assaisonne et parfume avec force et subtilité. Le gratin dauphinois est excellent avec du goût, de la texture (croustillant et fondant) et des saveurs bien gourmandes. Un plat simple mais parfaitement réussi.
"Black cod in the bag" (260 yuan/31€) : le plat signature du chef avec du cabillaud cuit à la vapeur dans un sachet de cuisson vapeur accompagné d'une sauce cantonnaise et de riz. Le poisson est pas mal mais l'association avec la sauce cantonnaise puissamment parfumée ne me plait pas trop, sans compter un riz trop cuit (oups!)... Bof !
Risotto au homard (140 yuan/16,70€) : du homard rouge (canadien) pêché dans la mer Jaune. A l'image de la truffe chinoise, le bas de gamme du homard ! Un plat puissant en goût et très salé (mais c'est voulu et annoncé à la commande) préparé avec de la liqueur de citron et accompagné de basilic et de you tiao frits (sorte de croûtons de pain). La liqueur de citron apporte un goût très particulier, avec de l'amertume et des parfums forts qui écrasent un peu l'ensemble. Pas convaincu même si objectivement ça reste de très bonne qualité.
Tarte au citron (100 yuan/12€) : le dessert signature du chef avec un citron confit garni de lemon curl, de sorbet au citron et d'une chantilly à la vanille, et accompagné d'un sablé. Les amateurs d'agrumes ne seront pas déçus. Attention l'amertume est au rendez-vous !
Sashimi de polemo thaï (70 yuan) : des suprêmes de pomelo thaï ou chinois (Citrus Maxima), hybride entre l’orange et le pamplemousse, à la texture légèrement croquante, douce et peu juteuse. Il faut les tremper dans un caramel au citron thaï et à la citronnelle et pour finir dans un mélange de sucre pétillant à la fraise et au citron. C'est frais, parfumé et agréablement régressif. Une belle réussite qui a le mérite d'achever le dîner dans une agréable sensation de légèreté et de fraîcheur.
Mon avis : je ne sais pas trop quoi en penser ! Le cadre est élégant et le service agréable et attentif. La cuisine bien maîtrisée en terme de cuisson et d'assaisonnement autour d'une sélection de produits locaux et internationaux de qualité (à relativiser tout de même pour le homard et la truffe qui restent, bien que locaux, le bas de gamme du genre). Je trouve néanmoins un manque de régularité dans les plats avec parfois des soucis d'équilibre dans l'association des saveurs. Quoi qu'il en soit, une adresse à noter pour les amateurs de lieux tendance (vous pourrez d'ailleurs poursuivre votre soirée à l'étage supérieur qui accueille le célèbre Bar Rouge) même si vous préférerez certainement privilégier des restaurants proposant une cuisine chinoise traditionnelle si vous passez quelques jours à Shanghai ! Pour finir, et malgré tout le respect que je peux avoir pour cette table, il est quand même très surprenant de voir un restaurant de ce type figurer dans le classement des 50 meilleurs restaurants du monde, preuve s'il en fallait que la cuisine n'est pas le critère principal de sélection de ce décrié classement du magazine britannique Restaurant.
Mr & Ms Bund
Bund 18, 6/F, 18 Zhongshan Dong Yi Road - Shanghai
Tel : +86 21 6323 9898
http://mmbund.com