Souvenirs d'enfance : les échaudés de Carmaux
J'avais rédigé il y a quelques temps un article sur l'importance du patrimoine "confisier" de notre beau pays qui compte plus de 600 spécialités régionales répertoriées, certaines remontant même au début du XVIème siècle. La biscuiterie française n'est pas en reste, si l'on se réfère aux nombreuses spécialités de notre terroir. Vous connaissez sans doute Nantes et ses Petits Beurre, Nancy ou Amiens et leurs macarons ou encore Reims et son biscuit rose mais connaissez-vous les échaudés de Carmaux ?
Echaudés de chez Deymier
La simple évocation du nom de ce biscuit mélangeant pâte à pain et anis me renvoie 25 années en arrière. Il s'agit en effet du 1er gâteau que je me suis amusé à faire (avec le roulé!) sous le contrôle avisé de ma chère grand-mère paternelle. Il faut savoir que ma branche paternelle est principalement originaire du Tarn et que j'ai donc grandi avec ce petit gâteau sec que je voyais notamment déguster, à ma grande stupeur, trempé dans du vin à la manière des mineurs tarnais. Avant d'aller plus loin, il est important de préciser qu'il ne faut pas confondre les échaudés du Tarn, et leur forme triangulaire, avec les échaudés aveyronnais (en forme d'anneau et aromatisés à la fleur d'oranger) ou les échaudés des rameaux (spécialité briochée provençale à la fleur d'oranger).
Si son origine remonterait à l'antiquité et qu'il accompagnait, parait-il, les chevaliers lors des croisades, l'échaudé doit son nom au verbe latin "excaldare" qui signifie "passer à l'eau chaude". Une charte de la cathédrale de Paris de 1202 y fait notamment référence en parlant de "pains qu'on appelle échaudés" ("panis qui discuntiur eschaudats"). C'est à cette période qu'il s'implante dans la région carmausine pour devenir au fil des siècles un véritable ambassadeur du Tarn. Selon d'autres sources, c’est à l’occasion d’un séjour de Saint Louis à Albi qu’un boulanger dénommé Jeannot aurait eu l’idée d'associer l’anis aux échaudés pour en offrir au roi. Les échaudés d'Albi s'appellent d'ailleurs également les "Jeannots" ou "Petits Jeannots".
De nombreuses fabriques artisanales en produisaient jusqu'au début du XXème siècle à Carmaux. Ils ne sont aujourd'hui plus que deux à perpétuer la tradition : la Biscuiterie Carmausine (Marty) et la Maison Deymier, qui produisent environ 30 tonnes d'échaudés par an. Une Confrérie de l'échaudé a même vu le jour en 2002 pour défendre et promouvoir la production artisanale. S'il a rencontré le succès au fil des siècles, l'échaudé le doit en grande partie à sa capacité de conservation très longue qui en a fait le compagnon de gourmandise idéal des marins, des mineurs ou encore des randonneurs.
Sachet de Charlots de chez Deymier
Profitant cet été d'un passage dans le Tarn, mon père s'est arrêté dans sa ville natale de Carmaux pour faire le plein d'échaudés chez Deymier. Cette biscuiterie familiale fabrique artisanalement des échaudés et des charlots (échaudés sucrés) depuis 1921. Grâce à quelques photos et des informations glanées auprès de la Maison Deymier, je vous propose de découvrir ce petit biscuit qui est l'un des plus anciens de notre patrimoine culinaire.
Pliage d'échaudés chez Deymier
Farine, sel, graine d'anis, eau et un peu de levure sont les ingrédients originels de la pâte à échaudés. Cette pâte est alors découpée en "patons" (des petits rectangles) qui sont pliés manuellement pour prendre la fameuse forme triangulaire. Un coup de "cabillou" sur chaque triangle de pâte permet d'éviter que la pâte ne se déplie lors de la cuisson qui se déroule en 2 temps (c'est d'ailleurs au principe de double cuisson que l'on doit le terme "biscuit"). 1ère étape, l'échadauge, c'est à dire une cuisson à l'eau bouillante qui permet notamment d'éclater les grains d'amidon contenus dans le gluten, facilitant ainsi la digestion. Il faut attendre la remontée à la surface pour savoir que cette 1ère cuisson est terminée. Il faut ensuite les faire sécher quelques heures avant de les enfourner. Une fois sortis du four, on les laisse refroidir dans des corbeilles en osier avant de les vendre en sachet ou en vrac. C'est ce mode de préparation qui apporte le croustillant.
Charlots de chez Deymier
Les échaudés se dégustent de plusieurs manières. Frais avec ses saveurs d'anis qui explosent dès la 1ère bouchée (moi je les adorais tièdes pour éviter qu'ils soient trop "durs") mais aussi à l'apéritif (tartinés de fromage ou de tapenade par exemple), en dessert (avec de la glace, de la confiture ou du chocolat) et à la manière traditionnelle des mineurs qui, lorsqu'ils étaient trop secs, les trempaient dans du vin (Gaillac de préférence) pour les laisser gonfler avant de les déguster. Si vous n'êtes pas adeptes de ce genre d'association, vous pouvez très bien les tremper dans du café ! Pour éviter qu'ils ne sèchent trop vite, il est conseillé de les conserver au sec dans un boîte métallique.
Vous trouverez les échaudés et charlots Deymier entre 9€ et 11€/kg
Deymier
2 bis Avenue de Rosieres - 32767 Carmaux